Le débourrage (suite)

Pose de la selle, du bridon et du premier cavalier
L'endroit préféré du cheval
p. 248 – 249
"... Comme tous les chevaux que j'avais entrepris jusque-là, elle ne baisserait pas la tête tant qu'elle était sellée. Elle ne se sentait pas assez sûre d'elle pour faire ce genre de chose avec ce poids sur le dos. C'était trop lui demander.

- Je vais me livrer à une petite expérience. Tu vas voir qu'elle a un endroit préféré.

J'ai indiqué du doigt le point précis où j'avais repéré qu'elle se montrait plus attentive.
Ailleurs, elle était distraite par quelque-chose : un spectateur, la porte d'entrée ou la lampe fixée à une poutre. Ma longue expérience m'avait enseigné que la plupart des jeunes chevaux ont un endroit favori dans un corral, et qu'il valait mieux attendre qu'ils s'y trouvent avant d'utiliser les signaux les plus subtils d'Equus.

- Je vais poser ma main en travers de ma poitrine, comme ça, et lorsque la pouliche atteindra son endroit préféré, je me contenterai d'écarter les doigts. Tu pourras te rendre compte par toi-même qu'elle accélère de façon significative.

J'ai fait exactement ce que je venais de dire, et la pouliche est repassée du trot au petit galop.

- Tu vois à quel point nous nous comprenons? Elle sait qu'elle n'a rien à craindre d'un félin qui fait patte de velours, mais qu'elle doit fuir le plus vite possible celui qui s'avance toutes griffes dehors.

Je l'ai fait volter et tourner dans l'autre sens, lui laissant le temps de se familiariser avec la selle. Au bout de trois ou quatre tours, elle a demandé à me rejoindre.
J'en ai profité pour resserrer les sanglons d'un cran.

- Et maintenant, la bride, tu sais, une fois qu'on a réalisé le join-up, le reste n'est plus qu'une simple formalité.

Accepter de se joindre à moi revenait pour elle à me dire qu'elle me faisait totalement confiance. De là à accepter de travailler dur pour moi, il n'y a qu'un pas que les chevaux franchissent aisément.

Plantée là, insouciante, elle portait sa première bride et mâchait ce mors qui reposait sur les barres de sa mâchoire pour la première fois.

- Maintenant qu'on lui a passé la bride, on va pouvoir la conduire à longues rênes.

Il y avait environ vingt-cinq minutes que le processus était commencé, et tout se passait bien. J'ai mené la pouliche à longues rênes dans les deux sens ; c'était la première fois que cela lui arrivait et je voulais qu'elle s'y habitue avant qu'Hector, mon aide, ne la monte, pour que son travail soit plus aisé.

Ensuite, je l'ai arrêtée et forcée à reculer d'un pas, dés qu'elle a eu fait ce pas en arrière, j'ai relâché les rênes et je l'ai immédiatement récompensée. Enfin, j'ai resserré les sanglons d'un autre cran pour que la selle soit prête à accueillir Hector.

Il est entré dans le corral et s'est fait connaître. Il a caressé lui aussi les zones vulnérables de la pouliche, jusqu'à ce qu'elle soit heureuse de sa présence, Il a brossé légèrement la selle avec ses mains, puis je lui ai fait la courte échelle. Il a mis le pied gauche à l'étrier, mais n'a pas passé la jambe droite, restant dressé sur l'étrier tandis que j'obligeais la pouliche à tourner la tête d'un côté puis de l'autre pour être sûr qu'elle avait bien vu ce qui se préparait.

Hector a levé la jambe droite avec précaution, l'a passée par-dessus la selle et s'est assis en douceur. La pouliche était montée pour la première fois de sa vie. Hector lui a fait faire le tour du corral en se gardant bien de lui tirer sur la bouche ou de la contraindre, la laissant se secouer, se trémousser, marcher en crabe ou se mettre au trot ; lui permettant de faire le point et de s'accoutumer à ce qui se passait sur son dos.
J'ai regardé ma montre : une demi-heure.
C'est dans la moyenne... "